Peintures s’appliquent sur le papier, gravant l’âme...

La première impression des aquarelles d’Alexandra Otieva évoque les émotions : tristesse légère d'une journée d'automne obscure, fête claire de l’hiver neigeux russe, vitalité particulière enfermée dans les couleurs vives du lever du soleil. Largeur émotionnelle et richesse sont les qualités importantes non seulement de l’aquarelle, mais et de l’auteur, choississant l’une des techniques les plus compliquées de la peinture.

La technique de l’aquarelle sur papier humide consiste à mouiller abondamment une feuille avec l'eau des deux côtés et à appliquer les peintures en une seule séance. Pour la première fois sérieusement appliquée par William Turner, ces dernières années, elle devient de plus en plus populaire parmi les artistes qui aspirent au dynamisme d’une touche, aux effets de couleur, à la transparence particulière et à la fluidité de l'image. La maîtrise de la technique demande du temps et de l’attention de l’artiste qui doit savoir exactement le degré d’abreuvage du papier avec de l’eau (l'aquarelle est déjà une peinture soluble dans l'eau) pour obtenir l’effet souhaité. En effet, une erreur dans ce type de peinture (à la différence de l’aquarelle de frottis) n’est pas à corriger.

Ce sont l’exactitude et la précision de la solution qui distinguent les aquarelles d'Alexandra Otieva. On peut diviser ses œuvres de manière symbolique en quelques séries thématiques : « Fleurs », « Paysage », « Impressions » et «Natures mortes », chacune permet de juger du professionnalisme de l'auteur. Dans la série de natures mortes, l'attention de l'artiste se concentre sur les qualités décoratives de l'objet: une large palette de couleurs est incarnée dans les lotus, les iris, les pavots, les fleurs de tournesol. La surface humide de la feuille donne de la volonté à un accent – le pétale de la fleur. Il semble que l’aquarelle tente d'échapper au pouvoir du maître, mais il la dirige habilement dans une bonne direction, appliquant délicatement les détails par les touches fines dans « Artichauts » et les fragments de reflets dans les côtés brillants du samovar. 

Dans la série de paysages l’effet décoratif devient de second rang. Ici c’est l’humeur qui règne, faisant une partie intégrante du paysage à l’aquarelle. Les feuilles graphiques « Rosée du matin », « Venise », «Après la pluie », « Automne », les séries « Reflet » et « Hiver russe » possèdent les couleurs émotionnelles et elles sont remplies de la vision d’auteur de la nature. Alexandra trouve intuitivement les accents principaux du paysage, donnant aux œuvres  de l’accent unique. Ainsi, dans les toits rouges de la « Bourgogne » - un signe caractéristique de la région " vinaire " – l’artiste a remarqué le caractère joyeux de cette région. Dans les paysages d'hiver de la Russie où derrière les branches des arbres on voit une église, on entend un rappel des racines. La quintessence de la sensation de l'auteur est, peut-être, "Ciel", une œuvre presque abstraite, entièrement construite sur les accords de couleurs. Elle est étroitement liée à la biographie de l'artiste, avec le départ de la Russie et le début de la période de vie à Nice.

« Je sentais toujours et je savais que j’habiterais au bord de la mer, mais je ne savais où exactement. Après l’arrivée à Nice j’ai trouvé une chambre sous les toits et je me suis jetée à l’ œuvre... Une fois, il y plusieurs années  ma mère est venue me voir. De bonne heure j’ai entendu qu’elle m’appellait et me disait : « Regarde par la fenêtre, c’est exactement ce paysage que tu as dessiné à 15 ans : lever du soleil, mélange de couleurs, palmiers et mer », - dit Alexandra.

La voie créative de l'artiste permet de parler de plusieurs choses importantes: la prédestination et le savoir de croire en soi, la résistance  et l’ aspiration à trouver sa voie, enfin, le talent. Alexandra se sentait artiste dès le plus jeune âge, percevant le monde en images. Mais, comme cela arrive souvent, je ne suis pas immédiatement décidée à l’art pur. Ayant choisi la spécialité de «l'économie internationale», je ne pouvais pas refuser l’art, prenant ainsi des obligations doubles - obtenir un métier d'économiste, ce qui donne un revenu régulier, et la formation artistique.

En 2001 Alexandra Otieva est devenue participante de l’exposition internationalle en France. C'était un coup de pouce à prendre une décision définitive - choisir la peinture. Je l’ai prise au bout de quelques temps, comprenant l'apprentissage des langues, des voyages, et enfin, les réflexions douloureuses à propos de la justesse de la voie choisie.

« J’ai choisi la ville de Nice, pour moi il était intéressant de comprendre pourquoi la Côte d'Azur attirait la famille tzariste, les peintres, les écrivains, les artistes. Ici l’histoire de la culture russe est tellement riche : les Saisons russes de Dyagilev à Monaco, Tchekhov, Gogol, Tourgueniev. Je ne parle pas d’artistes qui ont déménagé de Paris pour créer. Au cinquième jour de mon séjour il s’est passé quelque chose qui a boulversé ma vie. Quand je suis venue à la plage de gallet et j’ai regardé la mer d’une beauté miraculeuse de la couleur turquoise et je me suis tombée amoureuse. J’ai pris la décision en quelques secondes, comme un clic, j’ai compris que c’est ici que je veux vivre et créer. Et je n'ai jamais mis ma décision en question ».

Ce moment du mélange des rêves enfantins et de leur incarnation est symboliquement représenté dans l'aquarelle subtile et lyrique «Garçon rêveur»: un accent de couleurs vives, dissonant avec l’ordre général aristocratique et froide de l'œuvre, parle d'une personne passionnée.

Aujourd’hui Alexandra Otieva est un artiste actif et populaire, dont les œuvres sont aimées par les spectateurs et les collectionneurs. Son histoire c’est encore une confirmation du fait qu'une personne vraiment passionnée surmonte tous les obstacles.     

Interviewée par
Olga ZOTOVA
journal «Monaco», juin 2015